mardi 31 janvier 2012

Alexis Gaillac - Négatif Papier Ciré Sec

(c) Alexis Gaillac
Pour tous ceux qui fréquentent un peu le forum, vous savez sans doute qu'Alexis Gaillac travaille depuis de nombreux mois sur le Négatif Papier (Calotype, Papier Ciré).
Vous avez également pu entrevoir quelques images sur le forum justement ou sur sa Galerie personnelle.

Pour les autres, ce petit article vous donne l'occasion de découvrir ce Photographe qui a exposé encore tout récemment le résultat de ses travaux au format 30x40cm aux 5ème Rencontres PhotoArgentiques de La Ravoire (Savoie).

Alexis a bien voulu répondre à quelques questions.




1) Quel est ton parcours dans les techniques photographiques avant d'en arriver au négatif papier ciré sec ?
J'ai commencé avec un petit compact numérique pour illustrer mes sorties en montagne. Mais j'ai été rapidement déçu du résultat au moment de faire quelques tirages. Il manquait quelque chose, c'était froid, sans âme. Ne voulant pas passer des heures devant mon PC pour tenter d'en tirer quelque chose, j'ai ressorti le vieux 24x36 de mes parents, chargé d'une pellicule noir et blanc pour pouvoir faire moi-même le développement. Je me suis alors rendu compte que le noir et blanc permettait de ne garder que l'essentiel: les volumes, les textures, la montagne telle que je la ressens.
(c) Alexis Gaillac

Bien sûr, j'aurais pu faire du noir et blanc numérique, mais entre temps, j'ai découvert les joies du labo ... et tout s'est très vite enchaîné : moyen format 6x6,
chambre 4x5, puis 8x10.
Prendre son temps, peaufiner les détails, quitte à ne pas sortir de tirages pendant plusieurs mois, j'ai ainsi découvert les plaisirs de la lenteur photographique. A la recherche d'une certaine authenticité et d'un contact intime avec la matière photographique, les procédés anciens étaient la suite logique. Mais le monde des procédés alternatifs, de par sa diversité et son apparente complexité, faisait peur au débutant que j'étais.
J'ai alors découvert les doux dingues d'Art'gentik73. Cyanotype, palladium, papier albuminé, tirage lith ..., tous ces termes obscurs se sont rapidement éclairés à la lumière des explications passionnées des membres de ce collectif.
Après avoir pratiqué le tirage palladium en 4x5 et 8x10, je me suis mis en quête d'un procédé ancien couvrant également la fabrication du négatif, dans le but de maîtriser mes images de A à Z.


2) Pourquoi justement avoir fait le choix du négatif papier ciré sec, un procédé ancien et délicat ?
Après avoir pu apprécier la qualité et la précision des tirages issus de négatifs moyen et grand format, je recherchais un rendu plus personnel, permettant de combiner mes images à la texture de la matière du support photographique. Le collodion me paraissait souvent trop « parfait » en terme de rendu, de même que les plaques au gélatino-bromure. De plus, je recherchais un support facilement transportable pour réaliser des prises de vue en montagne. C'est alors que j'ai eu la chance de voir l'exposition « Primitifs de la photographie, le calotype en France (1843 - 1860) ». Ce sont donc Gustave Le Gray, Charles Nègre, Edouard Baldus, Henri le Secq et d'autres, qui, à travers leurs négatifs et tirages agés de plus de 150 ans, m'ont montré la voie.
Gustave Le Gray
http://expositions.bnf.fr/legray/grand/098.htm

Parmi les nombreuses variantes du calotype, initialement mis au point par Fox Talbot en Angleterre, le papier ciré sec de Gustave Le Gray a rapidement eu ma préférence. En effet, contrairement à la formule originale de Talbot, il permet de conserver les négatifs pendant plusieurs jours avant et après la prise de vue, ce qui est très pratique, voire indispensable pour le photographe randonneur que je suis.
Même si cela peut paraître étonnant, l'autre raison m'ayant mené au négatif papier ciré sec est la difficulté de ce procédé et la rareté des écrits contemporains décrivant cette technique. En effet, je souhaitais me mettre dans la peau des anciens, découvrant de moi-même les erreurs à ne pas faire, l'effet des différentes chimies, papier et « coups de main ». Avec le recul, le fait d'avoir mis plusieurs mois a obtenir un premier négatif satisfaisant a largement participé au plaisir que je tire de ce procédé.

3) Quelles sont les contraintes de cette technique ?

Négatifs 30x40    (c) Alexis Gaillac

Sur le papier, cette technique ne paraît pas complexe:
- Cirage du papier
- Ioduration (Au choix: iodure, bromure, chlorure, …)
- Sensibilisation au Nitrate d'Argent
- Lavage
- Exposition
- Développement à l'acide gallique.
- Fixage à l'hyposulfite de sodium

Mais à chacune de ces étapes, les pièges sont nombreux. Certains sont décrits dans les traités des anciens (encore faut-il lire entre les lignes …), mais de nombreux autres sautent aux yeux dans les bains de chimie. Il faut donc y aller pas à pas, résoudre les problèmes un à un, multiplier les plans d'expérience, ce qui correspond heureusement bien à mon esprit cartésien et à ma formation scientifique.
La première contrainte concerne le choix du papier. Les fabrications actuelles intègrent en effet rarement la compatibilité chimique avec le négatif papier ciré sec … Il faut donc expérimenter, chercher des infos sur les rares forum internet spécialisés avant de trouver son bonheur.
Une fois le protocole de préparation des négatifs maîtrisé, il faut savoir maîtriser la prise de vue. Les temps de pose de l'ordre de quelques minutes à ½ h ont de quoi surprendre, il faut donc encore multiplier les essais pour déduire la sensibilité de ses négatifs (qui n'est pas précisée sur la boite …).
Enfin, le développement et le fixage réservent également leur lot de surprises. A nouveau, il faut replonger dans les fondamentaux de la photographie pour obtenir le négatif tant attendu.
Mais toutes ces contraintes ont été pour moi autant de raisons de choisir ce procédé. Elles participent grandement au plaisir que j'ai eu à le découvrir et que j'ai aujourd'hui à la pratiquer.

4) En ce qui concerne le tirage de ces négatifs particuliers, quel(s) procédé(s) mets-tu en oeuvre ?

Une fois la technique maîtrisée, il est possible, tout comme pour un plan-film standard, de gérer le contraste du négatif en adaptant le temps de pose et le développement. Tous les procédés de tirage sont alors possibles (même à l'agrandisseur moyennant une source lumineuse puissante). Afin d'être cohérent avec ma démarche, je privilégie cependant les procédés anciens, tels que le cyanotype, le palladium, le papier salé ou albuminé. Ce procédé de prise de vue ne ferme donc aucune porte pour le tirage, ce qui permet de ré-interpréter les négatifs selon les envies du moment, tout en conservant l'âme du calotype, inscrite dans les fibres du papier.

5) Penses-tu continuer avec le papier ciré sec ou t'orienter vers d'autres choses ?

Vous l'aurez compris, j'aime les expérimentations et les défis de laborantins, mais j'aime aussi faire des images et les partager. J'ai donc appris cette technique dans le but de la pratiquer. En effet, ces négatifs papier ciré seront un support idéal pour de nombreux sujets que j'ai en tête. Mais en parallèle, il me reste beaucoup de choses à apprendre sur les procédés de tirage afin de tirer le maximum de mes négatifs !
Je vais donc essayer de faire vivre cette technique et de modestement participer à la pérennité de ce fragment de l'histoire de la photographie.

6) Pour celui ou celle qui voudrait se lancer dans cette technique, un conseil ? Une recommandation ?
Chambre 30x40    (c) Alexis Gaillac

Être d'abord curieux, puis très motivé, et enfin patient. Je recommanderais également de se documenter suffisamment pour ne pas se décourager, mais pas trop pour conserver le plaisir de découvrir par soi-même, ce qui est beaucoup plus gratifiant ! Enfin, que ce soit sur le célèbre forum de Disactis ou au sein d'un club de chimistes-photographes tel qu'Art'gentik73, montrer son travail, faire part de ses avancées ou de ses problèmes et profiter des conseils avisés des anciens est souvent une grande source de réflexion et de motivation, cela a en tout cas bien fonctionné pour moi !

7) Et enfin le plus important, as-tu un site internet où l'on peut en voir et en savoir un peu plus sur ton travail ?

Oui, vous pouvez voir mes « photographies argentiques d'altitude » ici: http://www.alexisgaillac.fr. La plus grande partie des images présentées, réalisées au Rolleiflex, sont tirées à l'agrandisseur sur papier baryté. Mais je commence à y faire figurer mes séries « alternatives » et le papier ciré sec y trouvera bientôt sa place.
Je vous invite également à découvrir le site d'Art'gentik73 et la rare et précieuse concentration de photographes -chimistes qu'il représente: http://www.artgentik73.fr.
Enfin, vous aurez certainement l'occasion de me croiser ici même, sur Disactis, car les conseils de Lionel, notre dealer et gourou préféré, ainsi que ceux de ses adeptes, sont incontournables !

Merci à toi Alexis, je pense qu'on te retrouvera à nouveau sur ce blog dans quelques temps.


(c) Alexis Gaillac

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